Le virement de bord
Sur nos multicoques, cette manœuvre qui consiste à changer de bord et d’amure en passant par le vent de face également appelé vent debout, nécessite quelques précautions. Les multiples coques qui vont affronter l’une après l’autre le clapot et les vagues, ajoutées au peu d’inertie qu’apporte le faible poids et une importante surface mouillée ; forment une combinaison délicate pour passer le vent sans souci.
En règle générale, ce sont les trimarans qui s’en sortent le mieux, surtout ceux possédant un dièdre suffisant pour naviguer uniquement sur deux flotteurs.
Pour les catamarans, la manœuvre est souvent plus acrobatique car sans point de pivot, à la différence des autres voiliers, leur centre de rotation est situé entre les deux coques.
En pratique
Cette manœuvre parfois délicate nécessite un peu de rigueur et de préparation pour ne pas avoir de mauvaises surprises.
Détaillons les différentes étapes d’un virement de bord :
Les rôles principaux :
- le barreur qui dirige l'ensemble de la manoeuvre
- le régleur de foc qui règle et gère la ou les voiles d'avant
- le régleur de grand voile qui règle et gère la grand voile.
Les rôles peuvent être distribués de manière différente selon l'équipage et le bateau mais les actions à mener seront toujours gérées par ces personnes ou groupe de personnes.
D'autres rôles peuvent s'ajouter sur les grosses unités qui nécessitent plus d'effort, comme le numéro 1, l'embraqueur ...
Cette manœuvre peut être gérée en solo, le navigateur devra revêtir toutes les casquettes (de marin) dans le bon ordre, et parfois en même temps.
La cohésion de l'équipage est primordiale pour trouver la synchronisation parfaite entre les différents acteurs.
1. La préparation
Le barreur
- Prévient l’équipage qu'il va virer, et distribue les rôles à chacun si besoin.
- Positionne le bateau pour être au prés ou au bon plein à une vitesse stable.
- Vérifie que tout le monde soit prêt " Paré à virer ? "
Quelle que soit votre allure initiale, il est préférable de s’approcher au plus près du vent et de stabiliser sa vitesse ce qui permet de limiter la distance à parcourir pour la réalisation du virement. Il convient de garder un minimum de vitesse.
Le régleur de foc
- Vérifie que les bouts sont clairs, c'est-à-dire qu’ils sont prêts à être utilisés sans nœud ou anicroche.
- Vérifie et prépare sa contre-écoute en la ramenant au winch sous le vent, la tend puis fait 1-2 tour(s) autour du winch. Il vérifie puis prépare son largage d'écoute.
- Vérifie que rien ne gêne sur la plage avant ou le trampoline pour le passage du foc et de ses écoutes.
- Libère l'écoute active du taquet ou de la mâchoire du self tailing tout en maintenant une pression sur celle-ci pour qu'elle ne se libère pas trop vite. Se met en attente avant de répondre « paré ».
Vérifier que l'avale-tout situé au vent soit réglé à l’identique de celui sous le vent afin de faciliter les réglages pour le bord suivant.
Le régleur de grand voile
Il devra manoeuvrer le chariot de grand voile pour les bateaux qui en sont équipés ; pour les autres, l'écoute de grand voile.
- Vérifie que les bouts sont clairs, c'est-à-dire qu’ils sont prêts à être utilisés sans nœud ni anicroche.
- Libère l'écoute ou le chariot de son bloqueur tout en le maintenant pour qu'il ne se libère pas trop vite. Se met en attente avant de répondre « paré ».
2. Le début du virement
Le barreur
- Attend les réponses « paré » de la part de ses équipiers
- Annonce le début du virement par « j'envoie »
- Lofe en commençant doucement le virement mais doit rapidement appliquer au safran un angle de braquage important. Il faut que la rotation du bateau soit rapide, mais que le démarrage se fasse en douceur.
Si le barreur commence avec un angle de barre trop prononcé au démarrage, le safran sera quasiment perpendiculaire au sens d'avancement. Dans cette position, le safran va ralentir le bateau, les filets d'eau qui l'entourent vont décrocher et le safran perdra de son efficacité. De même, si la rotation est trop longue, le virement de bord sera trop lent, le bateau perdra toute sa vitesse et se retrouvera à l'arrêt face au vent. Le barreur doit donc aller pratiquement en butée avec le safran, mais en douceur.
Le barreur va devoir utiliser toute son expérience pour trouver le dosage correspondant au bateau et aux conditions météo.
Le régleur de foc
- Quand le bateau est face au vent et que le foc faseille, le régleur de foc libère l'écoute en grand puis reprend la contre écoute à la volée qui devient la nouvelle écoute.
- Finit le réglage de foc au winch.
- Pour faciliter la relance à la sortie du virement, il ne faut pas border le foc complètement dans le virement (voir ci-dessous).
Sur certains multicoques et dans certaines conditions, le bateau peut avoir du mal à virer, dans ce cas, le régleur de foc doit laisser le foc à contre pour aider le bateau à finir sa rotation, jusqu'à ce que la grand voile soit de nouveau propulsive.
Le régleur de grand voile
- Choque un peu (voir les erreurs ci dessous).
- Vérifie que toutes les lattes passent du bon côté.
3. Sortie de virement et relance
En sortie de virement le bateau ayant perdu sa vitesse, relancer son bateau pour retrouver sa vitesse est primordial.
Le barreur
- Une fois le lit du vent passé, le bateau repart sur l'autre amure, le barreur redresse la barre en douceur pour reprendre le nouveau cap. Pour retrouver rapidement une vitesse correcte il faudra le temps de la relance, avoir un cap plus abattu que lors du bord précédent. La différence de cap sera comprise entre 5-15° selon le bateau et les conditions météo.
Le régleur de foc
- A bordé le foc sur la nouvelle amure pendant le virement. Plus vite celui-ci sera bordé sur la nouvelle amure, plus vite le bateau repartira et moins il y aura de risque de rater la manœuvre.
- Pour faciliter la relance, il borde d'abord le foc à la limite du faseillement pour un maximum de puissance, puis borde sur le winch au fur à et mesure que le bateau prend de la vitesse et du cap.
Le régleur de grand voile
- Pour faciliter la relance, il borde la grand voile à la limite du faseillement pour un maximum de puissance, puis borde au fur à et mesure que le bateau prend de la vitesse et du cap.
4. Fin du virement
Une fois que le bateau a repris sa vitesse pendant la période de relance, il faudra retrouver le bon cap en douceur pour conserver la vitesse retrouvée.
Le barreur
- doit retrouver le même angle de remontée au prés que sur le bord précédent tout en gardant la vitesse atteinte lors de la relance.
Le régleur de foc
- vérifie que le foc est bordé correctement, que les réglages sont identiques au bord précédent. Si ce n'est pas le cas, il cherche pourquoi.
- love et range les bouts pour préparer la prochaine manœuvre.
Le régleur de grand voile
- vérifie que la grand voile est bordée correctement, que les réglages sont identiques au bord précédent. Si ce n'est pas le cas, il cherche pourquoi.
- love range les bouts pour préparer la prochaine manœuvre.
L'équipage
- Si le virement s’est fait difficilement, l'équipage discute et réfléchit ensemble pour améliorer le prochain.
Les erreurs possibles
Si le virement s'est mal passé, il faut analyser les raisons de cet échec afin de ne plus reproduire les même erreurs.
La communication
Cette partie est souvent oubliée en croisière car on ne veut forcer ou embêter personne. Résultat, si tout continue de se faire en dépit du bon sens, la manœuvre se complique et peut finir avec des noms d’oiseaux. Pour être sûr que tout le monde soit prêt, le dialogue habituel est de mise :
- Le skipper distribue les rôles
- Le barreur demande paré à virer
- Quand chaque équipier a annoncé paré,
- Le barreur annonce j’envoie et lance le virement
La grand voile trop bordée
Sur les multicoques, la grand voile porte bien son nom. Elle est souvent bien supérieure en surface à la voile d'avant. Sur certains multicoques, trop bordée lors du virement de bord, elle va jouer le rôle de girouette et maintenir le bateau face au vent. Dans cette position, le bateau perd très rapidement sa vitesse pour partir en marche arrière, ce qui peut être dangereux.
La solution consiste à choquer un peu de chariot pour les bateaux qui en sont équipés ou d'écoute pour les autres juste avant que le bateau soit face au vent. Vous bénéficiez ainsi de l’aide de la grand voile pour se positionner face au vent mais elle ne vous gênera pas pour la suite de la manœuvre.
Le manque de vitesse
Les multicoques de par leur faible inertie et leur nombre d'étraves perdent rapidement leur vitesse face au vent. Pour limiter le risque de se retrouver à l'arrêt dans cette position, il faut placer le bateau sur une allure de près à une vitesse stabilisée. Si vous estimez que votre bateau ne va pas assez vite, il convient de relancer un peu en s'écartant légèrement du vent.
Les difficultés
La marche arrière
La marche arrière lors d'un virement de bord est la difficulté qui arrive le plus souvent et en même temps la plus dangereuse. Les multicoques n'étant pas conçus pour aller en marche arrière les jupes vont se remplir d'eau et selon la vitesse, risquent de s’immerger complètement. Les cas de retournement en marche arrière sont très rares mais existent surtout dans le gros temps.
Si le bateau part en marche arrière, il faut mettre les safrans de biais pour aider le bateau à pivoter, mais pas avec trop d'angle au risque de perdre toute efficacité des safrans. Si vous voyez que les safrans ne sont pas efficaces remettez-les en ligne, puis tournez-les en douceur pour que les filets ne décrochent pas.
Le gennaker
Avec les gennaker les plus plats (comme les codes 0), il est fréquent d'avoir à réaliser un virement de bord. Fixé sur un bout dehors, il n'y a que peu de place pour passer entre le guindant et l'étai. Il est conseillé d'enrouler le gennaker au moment de passer le lit du vent puis de le dérouler sur l'autre bord.
Utiliser le gennaker à contre pour aider le bateau à virer est une mauvaise idée. Lors du changement d'amure il sera très difficile à enrouler, il se mettra en appui sur l'étai ou la voile d'avant enroulée et formera une poche. Le virement sans enrouler sera alors impossible et l'enroulement très physique usera les voiles qui ragueront l'une sur l'autre.
La houle
Virer de bord dans la houle demande un peu d'anticipation. Se retrouver face au vent dans le creux d'une vague vous expose à ce que votre bateau ne remonte pas la vague suivante. L'idéal avec une mer houleuse c’est de se retrouver dans le haut de la vague en même temps que l'on est face au vent, ainsi le bateau reprendra un peu de vitesse en descendant, la vague l’aidant ainsi à changer d'amure.
Dans une mer formée, clapoteuse ou avec un bateau qui vire difficilement, il peut être judicieux de démarrer le moteur pour parer tout problème. Même au point mort, il sera rapide d'utilisation et rassurant.
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